Aujourdâhui en France, 98% des victimes de violences au sein du couple sont des femmes. Comment expliquer ce chiffre ?
Les violences, ça vient dâoĂč ?
Les violences dans le couple peuvent ĂȘtre le rĂ©sultat de facteurs individuels â ĂȘtre tĂ©moin de violences dans son entourage, ĂȘtre dĂ©pressif·ve, ĂȘtre au chĂŽmage par exemple. Mais cela ne peut suffire Ă expliquer le chiffre, car si la violence Ă©tait uniquement liĂ©e Ă lâhistoire personnelle, les femmes seraient autant coupables de violences que les hommes. Si les victimes sont en trĂšs grande majoritĂ© des femmes, câest dâabord en raison de lâĂ©ducation que lâon transmet aux enfants : on valorise des attitudes telles que la compĂ©titivitĂ©, la force physique, lâagressivitĂ©, lâaffirmation de soi chez les garçons. On apprend en revanche aux filles Ă ĂȘtre douces, gentilles, sensibles, Ă ne pas parler trop fort, Ă faire attention aux autres â notamment Ă lâego masculin. La virilitĂ© sâexprime souvent par la violence ; il nây Ă quâĂ voir les hĂ©ros masculins des films dâaction pour sâen rendre compte. Mais cela est aussi vrai dans la vie : un homme qui refuse de se battre sera souvent humiliĂ© par les autres.
Cela commence mĂȘme dans les moments les plus anodins : quand un garçon frappe une fille ou soulĂšve sa jupe dans la cour de rĂ©crĂ©, par exemple, on excuse son comportement en disant que câest parce quâil « lâaime bien », ou que câest « normal, câest parce que câest un garçon ». Comment faire comprendre les limites Ă un garçon si on persiste Ă excuser son comportement ?
Quant aux filles, on leur dira quâil ne faut pas sâimposer, que câest mieux dâĂȘtre sages et silencieuses ; on valorisera des qualitĂ©s comme la beautĂ©, lâĂ©coute des autres, la discrĂ©tion, lâapplication. Une fille qui rit fort ou qui sâĂ©nerve sera perçue comme « hystĂ©rique » ; alors quâun garçon qui fait pareil sera un type qui sait sâimposer. Comment faire comprendre aux filles quâelles ont le droit de dire « non » si on leur dit que leur refus nâa aucune valeur, que les garçons sont comme ça de toute façon? En rĂ©sumĂ©, on apprend aux garçons Ă dominer, et aux filles Ă ĂȘtre dominĂ©es. Et aux garçons Ă dominer les filles. Cet apprentissage nâest pas forcĂ©ment conscient : on entretient parfois les stĂ©rĂ©otypes bien malgrĂ© nous ! Câest trĂšs difficile de sortir de ce rĂŽle quâon nous a appris, il faut ĂȘtre capable de lâassumer.
Au-delĂ de ça, tout notre imaginaire autour des histoires dâamour hĂ©tĂ©rosexuelles (quâon voit dans les films, les sĂ©ries, les livresâŠ) attribue des rĂŽles trĂšs diffĂ©rents aux hommes et aux femmes. Ce sont les hommes qui partent Ă la âconquĂȘteâ de la femme qui leur plaĂźt, alors que celle-ci attend patiemment. Elle est considĂ©rĂ©e passive dans les rapports sexuels, alors que lâhomme doit faire en sorte dâĂȘtre un âbon coupâ. En somme, les hommes sont en contrĂŽle de la relation et ce sont eux qui donnent le ton. Dans cette optique, câest aussi eux qui dĂ©cident et contrĂŽlent ce qui se passe. Cela justifie lâidĂ©e quâils sâĂ©nervent si ce nâest pas comme ils veulent, ou quâils refusent que leur partenaire leur dise ânonâ ou quâelle exprime un dĂ©sir diffĂ©rent. Le glissement vers les comportements violents est facilitĂ© par toutes ces reprĂ©sentations.
Et dans les couples LGBTQI+ ?
Pourtant, il y a aussi des violences dans les couples de mĂȘme sexe et mĂȘme genre ! Eh oui, mĂȘme sans avoir un homme et une femme dans un couple, on peut retrouver des dynamiques de domination et de pouvoir.
Aujourdâhui, les exemples de relations amoureuses dans la pop culture sont (presque) toujours inĂ©galitaires, avec un rĂŽle dominant et un dominĂ©. On peut reproduire ça avec la mĂȘme facilitĂ© dans un couple homosexuel ou lesbien par exemple. En plus de ça, il peut y avoir dâautres discriminations et inĂ©galitĂ©s au sein dâun couple (LGBTQI+ ou non) qui peuvent faciliter lâapparition des violences : une diffĂ©rence dâorigines, de couleur de peau, de revenus, de classe sociale etc. Toutes les inĂ©galitĂ©s peuvent crĂ©er un dĂ©sĂ©quilibre et la domination dâune personne sur lâautre. Attention, ce ne sont pas des excuses Ă la violence ! Peu importe la situation des gens, les violences sont toujours la responsabilitĂ© de celui·celle qui les exerce, et elles sont interdites.