On n’a pas le même âge

“Il dirigeait mon doctorat, on passait beaucoup de temps ensemble, il était un vrai soutien, il valorisait beaucoup mon travail et mes réflexions alors même que j’étais plein de doutes et dans un moment où je me sentais très seule. C’était une belle relation au début jusqu’à ce que je me rende compte que j’étais bloquée. Tout devait passer par lui, il était le seul à pouvoir valider mon travail, pour lequel j’avais donné tellement de temps et d’énergie. Il contrôlait tout.”

On ne sait pas toujours pourquoi on aime certaines personnes plus que d’autres, pourtant de nombreux facteurs influencent nos goûts et nos désirs.  Nos représentations de l’amour sont influencées par nos imaginaires. Quand on se projette dans le couple, on cherche à ce qu’ils ressemblent à nos attentes.

On a alors tendance à choisir des gens qui correspondent à nos idéaux, qui nous apportent la validation de notre entourage, ou dont on sait que leur existence correspondra au modèle de couple qui nous semble acceptable. Parmi ces imaginaires, la question de l’âge n’est pas neutre. Qu’on le veuille ou non, quand on est un homme, c’est socialement valorisé d’être avec une femme plus jeune. On les présente souvent comme plus jolies, et dans de nombreux cas, on valorise le fait qu’elles ont eu moins d’expériences amoureuses et sexuelles… Les couples d’âge asymétriques sont donc plus souvent constitués d’une femme plus jeune, et d’un homme plus âgé – dans 54 % des couples en France, contre 16 % des couples hétérosexuels où la femme est la plus âgée des deux . C’est même souvent une marque de prestige social – en témoignent de nombreux couples célèbres.

Être plus jeune...

Les filles sont plus facilement encouragées à avoir des relations avec des garçons plus vieux – même si c’est parfois seulement de quelques années, ces petits chiffres peuvent prendre une grande importance à certains moments de vie. Trois ans d’écart entre quatorze et dix-sept ans, ce n’est pas pareil qu’entre quarante et quarante-trois ans.

Ça ne vient pas de nulle part ! Depuis toutes petites, les filles entendent qu’elles sont plus « matures », plus raisonnables et plus sages que les garçons – qu’elles grandissent plus vite aussi. En réalité, ça n’a rien de naturel : c’est surtout lié à la manière dont on éduque les filles et à ce qu’on attend d’elles – être obéissantes, appliquées, jouer au ménage et à la poupée, puis s’occuper des petits frères et débarrasser la table. Elles ne sont pas naturellement plus matures : elles sont responsabilisées plus tôt. À l’inverse, les garçons sont encouragés à aller vers l’extérieur, à chercher leur place dans le monde ; on leur propose moins facilement de parler de leurs émotions ou de créer des connexions profondes avec les autres. Alors, au moment de se mettre en couple, il arrive que les filles aillent vers des garçons plus âgés, pensant qu’ils auront une maturité qui n’existe pas chez leurs camarades plus jeunes. Elles peuvent avoir l’impression qu’elles vont y gagner : que leur copain sera plus prévenant, plus expérimenté, plus fiable, en bref, qu’elles en retireront stabilité et sécurité.

Cette attente n’est pas nécessairement réaliste : le respect, la douceur, la patience et le soin ne sont pas des qualités qu’on acquiert magiquement avec un ou deux ans de plus. En avoir conscience, c’est aussi s’aider à mieux comprendre ses désirs et ses recherches.

... Ou plus âgé·e

Face à quelqu’un de plus jeune, on peut se sentir très valorisé·e. Quand on construit ses premières fois (premiers diplômes, premières relations sexuelles, permis de conduire, premier déménagement…), avoir l’avantage de l’expérience peut être très rassurant. On peut se sentir admiré·e, moins remis·e en question ; c’est plus facile d’avoir le dernier mot. Car on n’est pas au même niveau de liberté de décision lorsqu’on est indépendant·e financièrement, qu’on vit seul·e, qu’on est bien entouré·e, qu’on est reconnu·e par nos pairs ou nos collègues par exemple, que quand on est dépendant·e de ses parents, qu’on cherche encore à pouvoir se débrouiller seul·e, qu’on dépend d’une université, d’une bourse, d’un tuteur – même si on a du caractère, même si l’on est mature et affirmé·e. L’âge est souvent associé à la connaissance, au pouvoir, à l’indépendance. On peut avoir bien plus de mal à dire « non », à critiquer ou à donner son point de vue face à quelqu’un de plus âgé. Cette différence d’âge peut créer un rapport inégal, qui donne l’ascendant à la personne plus âgée, et rend le discernement plus difficile – voire impossible – pour la plus jeune.

Et en abuser ?

Le fait de profiter de cette différence (même de façon subtile) pour avoir toujours raison, pour imposer son point de vue ou pour dénigrer les sentiments de l’autre, fait partie des mécanismes de domination qui peuvent exister au sein des relations (intimes comme professionnel·les), et qui correspondent à de la violence.

Il est interdit pour une personne majeure d’avoir des relations sexuelles avec des mineur·es de quinze ans ou moins, en particulier quand il/elle est dans une position d’autorité (si c’est un·e professeur, un maître de stage, un·e animateur·ice de colo, un·e manageur·euse…). Cette mesure est pensée justement pour protéger les mineur·es, car la loi estime que l’asymétrie est trop grande à cet âge-là pour prévenir le danger.

Pas besoin d’être mineur·e pour que ce soit possiblement dangereux : quand on est dans une position de pouvoir qui nous permet de prendre des décisions (ou d’en bloquer) qui ont des conséquences sur la vie, la scolarité, l’intégration de l’autre, la relation n’est pas équilibrée. Et même si on entend beaucoup que les femmes “font plus que leur âge”, la position de force que cela confère à celui qui est plus âgé et mieux intégré peut créer des inégalités et des violences. C’est pour ça que c’est important de pouvoir en parler sereinement si on a des doutes – que ce soit à un-e ami-e ou sur notre tchat 🧡

Rédigé par Ynaée Benaben et Louise Delavier

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