“Mon copain a beaucoup plus d’expérience que moi, il est en M1 et moi en première année, c’est ma première histoire sérieuse. Lui a déjà eu plusieurs mecs, certains dans la même école, il a essayé beaucoup plus de choses et il est très à l’aise avec la sexualité alors que c’est compliqué de mon côté. Il est patient et attentif mais en même temps, parfois j’ai l’impression que c’est lui qui décide de comment ça se passe entre nous et je n’aime pas ça.”
Malik, 19 ans
Quand on commence sa vie amoureuse, on peut ressentir de la pression à se constituer de l’expérience sexuelle. C’est une période de découverte, mais aussi d’incertitude : on veut savoir si on va dans la bonne direction et on se compare beaucoup aux autres.
« Quoi, tu ne l’as toujours pas fait ? » « Vous vous êtes seulement pécho, jamais plus ? Mais vous attendez quoi ? » « Attends, mais ça compte pas si tu es une fille et que c’est avec une meuf… » « Tu attends quoi pour essayer la sodomie ? » « T’es un peu un·e gamin·e, non ? » « Espèce de puceau »
L’ « épreuve » de la performance
Cette pression est particulièrement mise sur les garçons, qui sont “censés” avoir une vie sexuelle active et placée sous le signe de la performance. On les incite à se construire un imaginaire où ils sont actifs, dominateurs, quitte à se montrer pressants et brutaux. La pression de la société les laisse difficilement libres de rechercher la connaissance joyeuse de leurs corps ou de leurs désirs. Elle les encourage peu à la lenteur ou à la tendresse. De leur côté, les filles vont être plutôt encouragées à être toujours disponibles tout en étant difficiles à obtenir : être belles, attirer, recevoir, suivre, satisfaire. Le « bad boy » et la jeune fille sage : voilà une représentation qui peuple les comédies romantiques.
Pourtant, on gagnerait beaucoup à voir le sexe autrement que comme un moment à achever et à réussir : pourquoi ne pas considérer plutôt la sexualité comme un espace de partage et de création ? On peut tout à fait retirer au sexe tous ces enjeux de performance et accepter d’aller lentement, de cafouiller, de ne pas terminer ! Toutes les étapes d’excitation sont autant du sexe que la jouissance.
Le sexe dans le temps
En suivant cette logique, à n’importe quel niveau d’expérience le sexe peut être beau, fort, drôle ou tendre : même quand on ne l’a jamais fait. De la même manière, le sexe peut être décevant quand on l’a pratiqué toute sa vie et qu’on connaît mille astuces. Ce n’est pas grave, et c’est normal ! Du sexe épanouissant ne constitue pas une somme de techniques : on peut avoir envie d’essayer des choses, d’apprendre de nouvelles pratiques, d’intégrer des accessoires ou de varier les expériences ; ce n’est pas pour autant un gage de réussite. Comme toute expérience humaine, les choses varient, et c’est tant mieux !
Le sexe est avant tout une rencontre : même expérimenté·es tous·tes les deux, il arrive que l’on ne s’entende pas, c’est tout à fait normal. C’est comme avec des potes : on peut être bourré·e de qualité et ne pas plaire à quelqu’un, alors qu’une autre nous aimera à la folie ! Dans le sexe comme dans la vie, tout est question de rencontre. Personne ne peut deviner à l’avance ce que l’on aime, et ce qui plaît à certain·es ne plaira pas à un·e autre. C’est pourquoi accumuler des expériences comme on gagnerait de l’XP dans un jeu vidéo ne sert pas à grand-chose. Au contraire : savoir désapprendre, accepter de tâtonner, de tester, de se perdre peut apporter beaucoup de plaisir !
Les signaux d’alerte
🥰 On profite quand :
- on trouve notre rythme ensemble ;
- on n’a pas peur d’essayer, quitte à se tromper ou à arrêter ;
- on arrive à dire quand nos désirs ne sont pas alignés ;
- ce n’est pas grave quand on ne jouit pas ;
- ce n’est pas grave si on n’a pas envie ;
- on aborde la sexualité avec joie et envie.
😓 On fait attention si :
- on me dit que je ne sais rien et que je dois me taire et écouter ;
- on me dit que c’est normal que ça fasse mal ;
- on me dit toujours quoi faire ; on me donne des ordres ;
- on me fait me sentir ridicule ;
- on critique mon physique, mes vêtements ou mes capacités ;
- on me pousse à des pratiques qui me mettent mal à l’aise (par exemple, envoyer des photos, pratiquer la sodomie, faire des fellations systématiques, avoir des rapports sexuels dans des lieux inhabituels, porter certains habits ou lingerie qui ne me ressemblent pas…) ;
- on me dit que mes désirs sont « bizarres » ou « nuls » ;
- on raconte notre vie intime à d’autres personnes ;
- on me pousse à avoir des rapports avec d’autres personnes